De mai à novembre 2018, une nécropole antique d’une densité et d’une richesse exceptionnelles a été mise au jour sur le Parc Industriel de la Plaine de l’Ain implanté sur la commune de Saint-Vulbas (01). Elle occupe une superficie de 4200 m2 et s’inscrit dans un contexte environnant bien documenté au cours de ces dernières années par plusieurs opérations d’archéologie préventive. Sur la parcelle, près de 1000 structures funéraires, datées entre le milieu du Ier s. avt J.-C. et la toute fin de l’Antiquité, ont été repérées et fouillées : 556 sépultures à inhumation, 212 structures à crémation comprenant aussi bien des fosses-bûchers que des dépôts secondaires (ossuaires, résidus et dépôts mixtes), ainsi que de nombreux enclos, fossés et fosses de pillage liés au fonctionnement de la nécropole. Les études en laboratoire sont en cours et les premières données livrent d’ores et déjà un potentiel remarquable, tant sur l’organisation spatiale que sur la gestion des morts dont le recrutement a rapidement retenu l’attention. À l’inverse de nombreux ensembles funéraires antiques, celui de Saint-Vulbas se caractérise, en effet, par une très forte proportion de sujets immatures, et particulièrement de tout-petits. Certains d’entre eux bénéficient, en outre, d’un traitement spécifique perceptible dans leur emplacement sépulcral et/ou par la quantité et la diversité du mobilier qui leur est associé. La nécropole compte 290 inhumations contenant des sujets immatures. Parmi eux, 171 sont décédés avant l’âge de 1 an et 119 avant 20 ans. Viennent s’ajouter 182 individus adultes et 103 autres de sujets dont la classe d’âge est indéterminée. Il en résulte un schéma de mortalité potentiellement compatible avec celui d’une population naturelle, laissant ainsi supposer que la totalité des jeunes enfants décédés pourrait avoir été accueillie au sein de cette aire funéraire communautaire. Leurs tombes ne sont pas circonscrites à un secteur particulier. Certaines occupent même une place de choix et semblent avoir dictée la mise en place d’autres sépultures. L’exemple d’une inhumation de périnatal placée au centre d’un enclos en est particulièrement éloquent. De même, le mode d’inhumation des jeunes enfants diffère peu de celui des adultes, leur appareil funéraire apparaît tout aussi soigné. Quant aux dépôts de mobilier, ils sont nombreux et parfois extrêmement riches. Si cette pratique est bien documentée pour l’époque, elle reste généralement discrète chez les tout-petits. Or à Saint-Vulbas, plus de 60% des tombes d’enfants décédés avant un an ainsi que 5 inhumations de fœtus sont pourvues en mobilier ! Les objets associés sont aussi divers et variés que des vases en céramique, en verre, des monnaies, de la parure souvent portée ou encore des offrandes animales. Il n’est pas rare, non plus, de retrouver plusieurs de ces éléments au sein d’une même structure ; certaines renfermaient même plus d’une dizaine de dépôts. Cette opulence apparente témoigne d’une grande attention portée aux jeunes défunts de l’époque augustéenne à la fin du IIe s. de notre ère. Concernant les restes humains brûlés, les données acquises pour l’heure tendent vers des résultats semblables à ceux livrés par les inhumations. La part des sujets immatures est plus importante qu’à l’ordinaire : sur les 212 structures à crémation, 26 livrent les restes d’individus assurément morts avant 20 ans, parmi lesquels 18 n’ont pas atteint 7 ans. L’aménagement des structures est équivalent à celles renfermant des sujets adultes ou de taille adulte et les dépôts secondaires de mobilier sont fréquents et semblables par nature à ceux des jeunes sujets inhumés. Enfin, les amas osseux accompagnés d’un nombre élevé de dépôts semblent également se situer parmi les plus précoces du site. Ainsi, à Saint-Vulbas, une place toute singulière est donnée aux tout-petits comme en témoigne leur nombre et leur traitement funéraire. Qu’ils aient été inhumés ou brûlés, leur lieu de dépôt définitif est autant soigné que celui des plus âgés, et leurs restes sont souvent accompagnés d’offrandes dont l’opulence semble l’apanage du début de notre ère. La singularité de ces gestes dénote des pratiques usuelles régionales et amène ainsi à se questionner sur l’origine de cette spécificité.