When There Are No More Bones… Radiocarbon Dating of Lead Carbonates from the Grandmont Ampoules (Haute-Vienne)
Quand il n’y a plus d’os… la datation 14C des carbonates de plomb des ampoules de Grandmont
Résumé
Recent years have seen the development of absolute dating of lead carbonates – cerussite (PbCO3) and hydrocerussite (2PbCO3.Pb(OH)2) – using the radiocarbon method. Cosmetics, pigments, and paints based on lead white have been successfully dated (Beck et al., 2018-2020; Hendriks et al., 2019; Messager et al., 2021, 2022). The dating has been made possible by the synthesis method of lead white, which uses horse manure as a source of CO2 to form the carbonates. It has thus been demonstrated that organic carbon marked with 14C was incorporated during this synthesis, which has been attested since the 4th century BC. In the study presented here, a similar approach was attempted on lead carbonates formed by in situ corrosion of lead ampoules found in graves in the cemetery area of the Grandmont Abbey. Since 2013, a multidisciplinary team from the University of Picardie has been conducting research in Limousin at Saint-Sylvestre, on the site of the Grandmontine order’s mother house. Lead was a material widely used in the abbey’s architecture, notably thanks to the patronage of Henry II Plantagenet, who provided a large quantity of lead from England in the second half of the 12th century. This material was chosen from the founding of the monastery around 1124 to make ampoules for eulogy, placed in contact with the body in graves located to the east of the abbey church. With more than forty ampoules recorded to date, Grandmont provides a unique corpus for Western medieval studies. The study of the distribution of the graves and the five types of ampoules partly outlines the topochronological evolution of the cemetery in the 12th-13th centuries, despite the poor preservation of human bones in the granite environment. The lead carbonates collected during the restoration of the ampoules represent, for a significant portion of the graves, the only opportunity to obtain an absolute date. Fifteen samples were prepared by thermal decomposition at LMC14 and measured on the SMA ARTEMIS. Four results from lead carbonates show remarkable consistency, with dates all between 899 and 1157 AD. Four other grouped results are slightly later, between 1043 and 1209 AD. These dates are consistent with those obtained on the bones of two nearby graves, which range from 1028 to 1162 AD. For the other results, the dates are later. Three of them fall in the middle of the 13th century (1220-1280 AD). These dates may correspond to a later phase of use of the cemetery, while the two others may reflect disturbed areas from the modern period. The consistency of the results obtained from both the lead carbonates and the bones suggests that the formation of the lead carbonates is indeed the product of the corrosion of the metal by an organic substance, probably related to the decomposition of the bodies. This hypothesis remains to be demonstrated, but it can be suggested that the dates obtained from the lead carbonates, in the context of the Grandmont burials, correspond to the months following the interment. Thus, radiocarbon dating of lead corrosion provides access to the burial date and opens new perspectives when bones are no longer present or poorly preserved.
Ces dernières années ont vu le développement de la datation absolue des carbonates de plomb – cérusite (PbCO3) et hydrocérusite (2PbCO3.Pb(OH)2 – par la méthode du radiocarbone. Cosmétiques, pigments et peintures à base de blanc de plomb ont ainsi été datés avec succès (Beck et al., 2018- 2020 ; Hendriks et al., 2019 ; Messager et al., 2021, 2022). La datation a été rendue possible par le mode de synthèse du blanc de plomb qui utilise du fumier de cheval comme source de CO2 pour former les carbonates. Il a été ainsi été démontré que du carbone d’origine organique marqué en 14C avait été incorporé lors de cette synthèse attestée depuis le IVe siècle avant J.-C. Dans le cadre de l’étude présentée ici, une approche similaire a été tentée sur des carbonates de plomb formés par la corrosion in situ d’ampoules en plomb retrouvées dans des sépultures d’une zone cémétériale de l’abbaye de Grandmont. Depuis 2013, une équipe pluridisciplinaire de l’université de Picardie mène des recherches en Limousin à Saint-Sylvestre, sur le site de la maison mère de l’ordre Grandmontain. Le plomb est un matériau très utilisé dans l’architecture de l’abbatiale, notamment grâce au patronage d’Henri II Plantagenêt qui fournira une quantité importante de plomb provenant d’Angleterre dans la seconde moitié du XIIe siècle. Ce matériau est choisi dès la fondation du monastère vers 1124 pour fabriquer des ampoules à eulogie déposées au contact du corps dans les sépultures situées à l’est de l’abbatiale. Avec plus d’une quarantaine d’ampoules répertoriées à ce jour, Grandmont livre un corpus unique pour le Moyen Âge occidental. L’étude de la répartition des tombes et des cinq types d’ampoules permet en partie d’esquisser l’évolution topochronologique du cimetière aux XIIe-XIIIe siècles, malgré une mauvaise conservation des ossements humains en milieu granitique. Les carbones de plomb prélevés lors de la restauration des ampoules constituent, pour une part importante des tombes, la seule opportunité d’obtenir une datation absolue. Quinze échantillons ont été préparés par décomposition thermique au LMC14 et mesuré sur le SMA ARTEMIS. Quatre résultats sur carbonates de plomb offrent une remarquable identité, les dates étant toutes comprises entre 899 et 1157 AD. Quatre autres résultats groupés sont légèrement plus tardifs, entre 1043 et 1209 AD. Ces dates sont cohérentes avec celles obtenues sur les ossements de deux sépultures proches, comprises entre 1028 et 1162 AD. Pour les autres résultats les dates sont plus tardives. Trois d’entre elles se situent au milieu du XIIIe s. (1220-1280 AD). Ces dates pourraient correspondre à une phase tardive d’utilisation du cimetière et les deux autres à des secteurs perturbés à l’époque moderne. La cohérence des résultats obtenus à la fois sur les carbonates de plomb et les ossements suggère que la formation des carbonates de plomb est bien le produit de la corrosion du métal par une substance organique, probablement liée à la décomposition des corps. Cette hypothèse reste à démontrer mais on peut cependant avancer que les dates obtenues sur les carbonates de plomb, dans le contexte des sépultures de Grandmont, correspondent aux mois qui ont suivis l’inhumation. Ainsi, la datation 14C de la corrosion du plomb donne accès à la date des sépultures et ouvre de nouvelles perspectives dans le cas où les ossements ne sont plus présents ou mal conservés.